Fit vaguement Edgard en lâchant la boulette de papier nauséabonde après en avoir malencontreusement découvert le contenu. Il essuya sa main dans un coin d’herbe propre puis contre son pantalon.
Quelques mètres plus tard, sa petite balade vers les entrepôts s’arrêta. Un grand bâtiment faisait face au vieillard. Aucune fenêtre, pas la moindre déco, des couleurs froides comme le cul d’une pucelle, bref : bonjour l’accueil. Mais bon, après tout, pourquoi se casser le cul à faire resplendir un endroit qui n’a d’autre but que d’entasser toutes sortes choses ?

L’entrepôt d’un complexe commercial d’une telle envergure devait regorger de bonnes saloperies en tous genres. Et le problème se posait justement là : On laissait rarement la clé de la caverne d’Ali-Baba sous le paillasson. Et, à notre époque actuelle, les cavernes avaient des grillages de fer et des boîtiers électroniques en tant que gardiens .Devant la grille d’entrée se trouvait un camion. Il se vit alors au volant de l’engin sur l’autoroute, Endworld City s’éloignant derrière lui. Cette brève vision s’estompa lorsqu’il réalisa qu’il ne voulait pas partir. Il avait quelque chose à faire dans cette ville. A cette pensée, sa main se posa inconsciemment sur le manche du couteau à sa ceinture. De toute façon, il ne savait pas conduire de tel poids lourd. Mais, après tout, rien ne disait que les employés aient eu le temps de décharger la cargaison avant de prendre la poudre d’escampette. Bon, voler serait contraire à son code déontologique mais fallait se faire une raison : il n’était plus flic depuis son arrestation. Et puis, il était venu ici dans cette intention, après tout. Alors, qu’il se serve dans le magasin ou dans le camion, la différence restait minime. Quoiqu’il aurait certainement beaucoup plus de choix à l’intérieur de la gigantesque bâtisse.

Néanmoins, il fallait avant tout que la bête à multiples roues daigne ouvrir ses augustes portières à son attention. Et cela, Edgard en doutait. Malgré tout, il s’approcha du camion et en fit le tour, testant l’ouverture de chacune des portes, surtout celles de l’arrière.
Si les bougres lui offraient résistance, il ne trainerait pas dans le coin. Des cris en provenance du sud ne lui inspiraient rien de bon. Surtout qu’il ne reconnut pas la nature de ces cris. Car ils étaient multiples : des cris de peur, de détresse, de rage, de joie, de désespoir, d’amour, de haine, … de bêtes. Décidemment, la pensée que la vie serait moins néfaste à l’intérieur du complexe devenait de plus en plus pressante. Si le camion ne cédait pas à ses envies, il retournerait rapidement sur ses pas pour se diriger vers l’entrée du personnel, dont il croyait fermement que l’accès serait plus aisé.

Rien à faire, cette saleté de camion ne voulait pas s’ouvrir. Enfin, il s’y était attendu, le Edgard, mais il ne put tout de même empêcher cette petite déception de faire son nid dans sa tête. Puis, il se rendit compte qu’il n’avait pas encore essayé avec la portière du côté passager. Bon, y’avait concrètement aucune raison, aucun phénomène inexplicable, aucune soi-disant présence divine au monde qui aurait fait que celle-ci soit ouverte alors que les autres non. Mais voilà, Fosco voulait quand même essayé. Et grand mal lui en pris. A peine avait-il tiré la clinche pour constater que c’était bien fermé qu’une silhouette à la gueule massive s’abattit sur la vitre teintée, le faisant sursauter et tomber au sol. Il ne comprit pas comment cela avait été possible. Depuis quand est-ce qu’une simple frayeur pouvait influer sur les lois de la gravité et faire miraculeusement chuter les gens ? Il n’en avait aucune idée, et il allait devoir faire avec.

Une fois relevé, il maudit les infâmes types qui étaient capables de laisser un animal tout seul enfermé dans quelques petits mètres carrés. Il était bien décidé à le faire sortir de là. Si ç’avait été un humain, il n’en aurait probablement rien eu à foutre, mais un animal, ça non. C’est qu’il n’a jamais vraiment eu le code déontologique dans la peau le Edgard. « Protéger et servir », c’était pas vraiment pour lui ce genre de conneries. Lui, il était pas devenu flic dans l’optique d’aider les gens, mais dans l’optique d’avoir un job pour se payer de quoi vivre. Parce que, concrètement, Edgard Fosco détestait le genre humain. Oh, bien sûr, il aimait beaucoup d’individus mais haïssait le concept-même d’humanité.

Il s’y connaissait plutôt bien en bêtes et se débrouillait pas mal avec les animaux. Certes, briser une vitre dans la bonne intention de le libérer était louable, mais peut-être que lui ne comprendrait pas que c’est pour son bien. Peut-être même qu’il se sentirait menacé et croirait à une irruption violente d’un agresseur. Quoiqu’il en fût, Edgard décida que c’était un risque à prendre. Son amour du monde sauvage penchait dans la balance. Dès lors, le vieux dégaina son couteau, empoigna d’une main la barre de fer fixée sur le flanc du camion, là pour aider à monter dedans, et s’attaqua minutieusement à la vitre. Il faisait une sorte de grand cercle avec la pointe de sa lame en appuyant de toutes ses forces afin de fragiliser le verre. Puis, lorsqu’il jugea avoir bien fait ça, il rengaina son arme, leva son bras au-dessus de sa tête et l’abattit violemment au centre de la zone fragilisée. Si ça ne cédait pas, il insisterait, que ce soit en tailladant avec sa lame ou en défonçant à nouveau avec son coude, quitte à se faire un peu mal. Depuis le début de cette opération et pendant toute sa durée, il parla au chien d’une voix calme et apaisante, afin de lui montrer qu’il n’avait pas d’intention belliqueuse. Evidemment, les canidés ne comprenaient pas le français et le contenu de ses paroles n’avait donc que peu d’importance. Le principal avec le meilleur ami de l’homme, c’était l’inflexion de la voix, le ton employé.

- T’inquiète pas, mon beau. L’vi’ Edgard va te sortir de là.

C’était le comble. Edgard ne pouvait pas s’en empêcher. Même braqué par un fusil à pompe, il ne pouvait rien faire contre la colère qui s’immisçait dans son être en voyant le pauvre type qui venait de débarquer : Un gros lard aux yeux pétillant autant d’intelligence que ceux d’un cabillaud dans une assiette. Il était débraillé, la braguette même pas remontée, avec la même allure que son camion, c’est-à-dire celle d’un quinze tonnes. Dès le premier regard, le vieil homme sut qu’il ne l’aimerait pas. Il se laissa tomber du marchepied. Non pas parce qu’on le lui avait ordonné, évidemment. Dans ses yeux, on pouvait aisément lire une rage froide et contrôlée. Il rangea son couteau à sa ceinture pour montrer qu’il n’avait pas d’attitude menaçante. Lorsqu’il prit la parole, sa voix fut étonnement calme, même si son irritation pouvait se ressentir dans le ton et l’emploi de ses mots.

- J’suis un ancien flic, p’tit gars. « Protéger et servir », « aide et sécurité », tu vois le topo ? J’pensais que ce chien était abandonné, je voulais juste le libérer. J’étais à mille lieues d’imaginer qu’un gras-double dans ton genre irait paisiblement couler un bonze alors que la ville est sens dessus-dessous, que toutes les routes sont bloquées, et que des putains d’émeutiers cannibales s’empiffrent de mes chers concitoyens. Alors tu vas remballer ton artillerie, ouvrir ton foutu camion et sortir ton chien de là. Après ça, moi, j’irai dans le centre commercial. Toi, s’tu veux, tu pourras reprendre la route avec ton quinze tonnes, te faire bloquer par tous les véhicules sur la route, puis te faire extirper de force de ta cabine et sentir des dizaines de mâchoires se refermer sur ta panse bien grasse.

Sur son visage de vieux tueur buriné, le mensonge était inexistant. On sentait clairement que ce qu’il disait était vrai. Que ce soit dans la sonorité de ses mots, qui allait crescendo au fur et à mesure qu’il contrôlait de moins en moins sa colère, ou dans son récit, qu’il semblait tout à fait improbable d’improviser avec un fusil à pompe sous le nez. A vrai dire, Edgard ne lui faisait pas de proposition, c’était un ordre pur et simple. Le vieillard repensa aux cris qu’il entendait un peu plus tôt et l’imminence du danger apaisa quelque peu sa colère.

- Ils se rapprochent rapidement, alors dépêche-toi. Et, en fait, tu sais où est l’accès le plus proche pour entrer à l’intérieur ?

Les quelques petites minutes passées avec le camionneur furent des plus pénibles qui soient. Oser appeler son chien Brutus, il fallait le faire. Ou plutôt, il ne fallait vraiment pas l’aimer, l’animal. Lorsqu’il entendit la réponse à sa question, Edgard fut à deux doigts de sauter sur ce pauvre type afin d’enserrer sa gorge de ses deux mains et de le voir lentement étouffer sous son étreinte mortelle. Mais il se retint, comme toujours. Des pulsions violentes, le vieux en avait toujours eu. Et il se maîtrisait. Tant bien que mal, mais il se maîtrisait. Ici, le contexte n’était clairement pas habituel, plus chaotique que jamais, il fallait donc d’autant plus préserver la tête froide. Fosco soupira un bon coup pour décompresser. Il s’apprêtait à reprendre la discussion ponctuée de quelques insultes lorsque des cris proches le coupèrent dans son élan. Ils provenaient du nord et du sud et cela ne rassurait pas vraiment le vieillard.

Puis, l’horreur débarqua en masse. Des dizaines d’émeutiers passèrent en courant non loin des deux individus. L’effroi empreint soudain Edgard. Ils étaient tous couverts de sang. Tant et tellement qu’il ne pouvait même pas voir clairement leur état, s’ils étaient blessés ou pas. L’un des « marathoniens » se détacha alors du groupe principal en les voyant. Puis une dizaine de ses compagnons, le voyant changer de direction, le suivirent sans se poser de questions. C’était vraiment un spectacle affreux. L’homme de tête était couvert d’hémoglobine des yeux à la tête et son visage n’était qu’un miroir qui devait refléter l’effarement d’Edgard. Même lui, ce vieux briscard qui avait vu les pires saloperies, les pires crimes que l’homme pouvait connaître, eut momentanément les jambes coupées sous la peur intense qu’il éprouva à la vue de ce sprinter.

A peine avait-il tourné la tête une demi-douzaine de secondes que, lorsqu’il la tourna à nouveau vers le camionneur, celui-ci s’était tout simplement volatilisé. Cela rajouta à son étonnement car il était à mille lieues de se douter un seul instant que ce gros lard était en réalité un ninja : aucun bruit, aucun bruissement de vêtements, hors de vue en un rien de temps.
Mais peu importait le gras-double en ce moment. Il eut une pensée pour le chien, mais il était clair qu’il n’avait désormais plus le temps de le sortir de là. Son maître, quant à lui, n’avait pas hésité une seule seconde à prendre ses jambes à son cou en voyant les émeutiers. Tant pis, il reviendrait le chercher plus tard. Si les cannibales n’avaient soudainement pas changé leurs goûts…

Alors, lui aussi, il prit la poudre d’escampette. Il n’osa même pas regarder derrière lui, tant il craignait que cela ne perturbe ne serait-ce qu’un peu sa foulée. Il longeait le bâtiment entre les briques et les arbres, jusqu’à arriver à un renfoncement. Une grande porte possédant le même boîtier électronique lui faisait face. A ses côtés, le salut : une échelle grimpant jusqu’au toit. Ni une ni deux, le vieil homme entama la grimpette, mu par un sérieux jet d’adrénaline.

Il ne pouvait que l’imaginer car il ne regardait pas dans cette direction, mais dans son dos, une scène de carnage était sûrement en train de se dérouler. A entendre les bruits de la bagarre, il en conclut rapidement que gras-double devait s’être fait submergé en un instant dans son camion. Cet imbécile avait cru que des vitres et des portières le protégeraient d’une foule en furie. Des enragés, Edgard en avait déjà croisé dans sa carrière de flic. Surtout à l’époque où il s’occupait du simple maintien de l’ordre, face à des manifestants en colère qui crachaient leur haine envers la mairie d’Endworld car elle ne faisait rien pour palier à l’imminente montée du crime en ville. Mais le vieux devait bien se l’avouer, ces gens-là n’avaient rien à voir avec des manifestants. Absolument rien. Chez eux, il n’y avait rien de sensé, aucun message à faire passer, aucune colère à vomir à la face du gouvernement. Il y avait juste de la rage. De la rage et du cannibalisme.

Edgard eut un pincement au cœur à l’idée de laisser derrière lui ce cher Brutus. Leur rencontre fut brève, mais d’instinct, il avait reconnu en lui une brave bête. Ainsi, Brutus et Abruti allaient périr. Mais des choses bien plus importantes emplissaient la tête de Fosco en ce moment-même. Comme l’objectif de survivre à tout prix, par exemple. Et l’échelle, située juste à côté d’une porte, lui permit d’atteindre momentanément ce but. Ce n’est qu’une fois arrivé sur le toit qu’il se permit de regarder en bas, s’attendant à voir des émeutiers le suivre à bras-le-corps. Mais en fait, non. Personne ne le poursuivit. Et cela le choqua. Ses méninges encaissèrent cette information et se mirent à tourner à plein régime. Il pensa tout d’abord aux films d’horreur et à la culture littéraire mettant en scène des zombies, mais cela lui parut totalement absurde. Certes, l’art de la fiction s’était toujours inspiré de faits réels, mais là, c’était tout de même un peu gros. Malgré tout, il n’eut pas assez de conviction pour effacer cette idée de sa tête. Car aucune autre explication ne lui venait en ce moment. Cela faisait des années que, par le biais de son boulot, il étudiait la psychologie humaine. Et jamais, ô grand jamais, il n’entendit parler de population qui, soudainement, se révoltait et trouvait un certain goût à la chair humaine. Et puis, ils passaient en-dessous de lui sans faire attention, alors qu’il était certain que plusieurs personnes l’avaient vu monter.

Fosco arrêta ses tergiversations lorsqu’un cri de douleur l’extirpa de sa torpeur. En bas de l’échelle, un homme se faisait arracher la cuisse à coup de dents par un autre type sorti d’entre les arbres. Voilà que les émeutiers se mettaient à se bouffer entre eux, maintenant. Et cela tiqua encore plus le vieux. Pour le peu qu’il en avait vu durant cette effroyable journée, jamais encore un émeutier s’en était pris à un autre. Et ce cri de douleur… Tous les sons entendus sortis de leurs bouches n’étaient que cris gutturaux et bestiaux. Là, ça lui paraissait tout ce qu’il y avait de plus humain. Le mot « Zombie » n’arrêtait pas de lui parasiter la tête. Mais toute sa carrière fut basée sur l’accumulation de preuves. Là, il n’en possédait aucune. Edgard Fosco n’était pas quelqu’un qui voulait croire, mais quelqu’un qui voulait savoir. Du coup, sauver ce type en bas pouvait lui être bénéfique en lui apportant des informations, aussi futiles soient-elles.
Redescendre l’échelle ne servirait à rien, car il se retrouverait dans une position où il ne pourrait lui apporter aucune aide. Ni une ni deux, il posa son sac au sol, l’ouvrit et en sortit la longue corde de chanvre qui, il l’avait su dès le départ, lui serait utile. Il enroula un bout autour de son bon poignet – le gauche – et balança l’autre bout vers l’homme en détresse.

- Accroche-toi à cette corde comme si c’était le dernier fil qui te raccrochait à la vie, gamin ! cria-t-il à plein poumons. Parce que c’est le cas !

Puis, il s’assit, posa les deux pieds à plat sur le rebord du toit afin de ne pas se faire entraîner par le poids du type. Une fois que l’homme se serait agrippé à la corde, Edgard tirerait dessus comme un participant de Mister Univers. Il était vieux, certes, mais toute sa vie, il fut rompu à l’exercice physique. Il avait donc encore de beaux restes.
Evidemment, il n’avait pas l’intention de le hisser jusqu’au toit, mais juste de manière à le mettre hors de portée du cannibale, quelques échelons plus haut. Pas seulement parce que ça minerait ses forces, mais également parce qu’il ne faisait pas confiance à l’inconnu. Si les émeutiers étaient des zombies, alors là, il pourrait envisager de lui accorder sa confiance, mais si c’étaient des cannibales, rien ne lui disait qu’il n’en faisait pas partie et que ce qui se déroulait en bas n’était autre qu’un règlement de compte. De ce fait, le laisser finir la grimpette seul donnerait le temps à Edgard de dégainer son couteau et de se tenir prêt à défendre sa peau s’il le fallait.

Evidemment, la porte ne s’ouvrit pas. Edgard ne savait pas trop ce qu’il avait espéré. Peut-être que le type chargé de la sécurité fasse bien son boulot. Mais c’était beaucoup demandé. Des agents de sécurité, le vieux en avait côtoyé un sacré paquet dans sa carrière. Pour lui, ce n’étaient que les rebuts de la police, ceux qui n’arrivaient pas à y entrer, et pourtant c’était relativement simple d’y accéder. Il ne se souvenait pas qu’un seul de ces gaillards fut une lumière, toujours aux aguets à son poste. Du coup, sa déception fut contrebalancée par le fait qu’il s’y attendait.

Comme on est jamais mieux servi que par soi-même, Edgard fit le tour de la bâtisse, en quête d’une fenêtre assez grande pour pouvoir passer à travers. Il commença par la face nord mais aucun interstice n’était visible. Par contre, de son point surélevé, il put observer les mouvements des émeutiers qui couraient comme des dératés en direction de l’est. Il vit également le bateau en contrebas, accosté à la rive, mais n’y prêta pas attention, concentré sur la recherche d’une entrée. Il trouva ce qu’il cherchait sur la face sud. Les fenêtres étaient situées à proximité, longeant le toit.
Un peu plus tard, alors qu’il fumait tranquillement sa clope à côté de sa pauvre victime, celle-ci ne donna plus aucun signe de vie. Ses yeux révulsés et le manque de mouvement au niveau de sa poitrine ainsi que de souffle au niveau de son nez faisaient clairement part de son décès. Le moment crucial arrivait. Le moment où Edgard allait savoir s’il avait laissé crever un pauvre homme qui ne cherchait qu’à échapper au chaos, ou s’il venait d’échapper à une mort certaine en ayant un mort-vivant potentiel à ses côtés.

L’attente qui s’ensuivit lui parut interminable et son cœur battait à tout rompre, comme s’il cherchait à s’extirper de sa poitrine. Il fut surpris lorsqu’un rayon de soleil éblouissant lui vrilla les yeux. Il jeta un coup d’œil sur la source mais ne la repéra pas précisément. Il se doutait juste qu’elle était plus loin sur le toit. Puis, soudainement, l’inconnu se « réveilla » et s’agita en tous sens, cherchant à se dépêtrer de ses liens. Ses yeux emplis de sang le fixaient à travers ses pupilles dilatées. Edgard n’éprouva aucune peur. Ou plutôt si, à vrai dire, il était effaré devant pareille abomination. Mais toute crainte fut effacée par le soulagement qu’il ressenti.
De nouvelles informations venaient donc s’emmagasiner avec les précédentes. Ainsi donc, le fait était bel et bien là : il avait affaire à une invasion de morts-vivants. Et qui plus, des revenants qui infectaient les autres par le biais de morsures. Mieux valait éviter de se faire mordre s’il ne voulait pas finir comme ce type. Il dégaina alors son couteau et leva le bras.

- A bientôt, dit-il simplement.

Et il rabattit violemment son bras afin de lui enfoncer sa lame entre les deux yeux. Si son coup avait raté, il s’y reprendrait à plusieurs reprises afin de s’assurer qu’un mort-vivant pouvait bien être mort tout court. Une fois que sa victime ne donnerait plus aucun signe de non-vie, il la détacherait afin de récupérer sa précieuse corde, qu’il rangerait dans son sac.
Puis, il se releva, tira une dernière latte sur sa cigarette avant de la balancer, et avança vers l’est du toit, intrigué par le reflet du soleil qu’il avait vu tout à l’heure. Peut-être une baie vitrée par laquelle il pourrait entrer.
« A bientôt » lui avait-il dit. Car Edgard avait le curieux pressentiment qu’il claquerait dans cette ville infestée de zombies.

- Mais pas avant d’avoir trouvé ces fils de putes. Ah, ça non…